Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/205

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Au prime attouchement de sa baguette louche,
Sacquant de son étui ton glaive étincelant,
Fonds sur la dive et feins de lui percer le flanc :
Pâle, elle t’offrira de partager sa couche.
Et ne refuse point ses baisers bienheureux,
Pour le salut des tiens, ta propre sauvegarde.
Mais fais-lui prononcer le grand serment des Dieux,
Afin que derechef sa main ne te nasarde.
Crains d’être, une fois nu, débile, enfantelet. »

Se baissant vers la plante, incontinent Mercure
L’arrache du terrain, m’explique sa nature.
Sa racine est noirâtre, et sa fleur blanc de lait.
C’est le divin Moly ; sa cueille est difficile
Aux mortels ; mais les dieux, les dieux sont tout-puissants.
L’Argicide alors monte aux cieux éblouissants,
À travers la futaie, et je gagne l’asile
Magique, en combinant mille projets sous bois.
Je m’arrête au perron de la maîtresse accorte,
Et là je pousse un cri ; la dive entend ma voix.
Elle vient aussitôt, m’ouvre sa riche porte,
M’invite ; je la suis, triste comme au tombeau.
Circé me fait asseoir sur un trône d’ivoire,
Semé de clous d’argent, m’avance un escabeau,
Puis dans un vase d’or m’offre un mélange à boire.
Elle y rajoute un charme, en machinant ses tours.
Dès que j’ai bu ce philtre, innocent pour moi-même,
D’un jonc elle me frappe et me dit ces mots courts :
« Va te joindre en l’étable à ceux de ta trirème. »

Circé dit ; mais sacquant mon glaive aux lestes coups,
Je fonds sur elle et feins de percer sa poitrine.