Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/206

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Elle hurle, à moi vole, embrasse mes genoux,
Et me tient ce discours dans sa honte chagrine :
« Qui donc es-tu ? Quels sont ta ville et tes parents ?
Quoi ! prenant ce breuvage, au charme tu résistes !
Nul n’a jamais bravé ses effets improvistes,
Sitôt qu’il a passé le cercle de ses dents.
Mais ton cœur indomptable échappe à ma conquête.
Tu dois être l’habile Ulysse, que toujours
M’annonçait l’Argiphonte à l’aurine baguette,
Comme venant de Troie en son mouvant parcours.
Allons ! rentre au fourreau ta pointe meurtrière,
Et montons sur ma couche, afin que par les sens,
Par l’âme réunis, notre foi soit entière. »

Elle dit ; je réplique en ces termes décents :
« Ô Circé, tu voudrais qu’ici je me déride,
Quand tu viens de changer mes amis en pourceaux,
Quand tu me tiens captif, et que, d’un cœur perfide,
Tu me tends vers ton lit de captieux réseaux
Qui, mon corps désarmé, me rendraient mou, débile.
Non, je ne coucherai dans ton appartement,
À moins que de ta part le céleste serment
Ne me mette à couvert d’une reprise hostile. »

Je dis ; elle me fait le serment exigé.
Dès qu’elle en a fini la teneur redoutable,
Je foule galamment sa couche délectable.

Quatre serves pourtant, doux personnel gagé,
S’empressent, à sa voix, dans la brillante enceinte.
Ces nymphes provenaient des Sources, des Forêts,
Et des Fleuves portant à la mer leur eau sainte.