Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/251

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Ainsi le mutin parle, et mes gens d’approuver.
Dès lors je reconnais qu’un dieu veut notre perte,
Mais par ces mots précis j’entends me préserver :
« Je suis seul, Euryloque, on me fait violence.
Hé bien ! jurez-moi tous, par un pieux serment,
Que si, poil ou toison, à nous vient quelque immense
Troupeau, nul d’entre vous, dans un fol mouvement,
N’égorgera ni bœuf ni brebis ; mais, paisibles,
Nourrissez-vous des mets de l’illustre Circé. »

Je dis ; et mes compains s’engagent impassibles.
Le serment solennel en règle prononcé,
Nous mouillons le bateau dans un port circulaire.
À côté d’une source, et les miens, descendant,
Apprêtent un souper capable de nous plaire.
Lorsqu’ils ont satisfait le gosier et la dent,
Ils versent de longs pleurs en songeant aux désastres
De leurs frères saisis et mangés par Scylla.
Le doux somme a fermé leurs yeux sur ces pleurs-là.
Mais, au tiers de la nuit, quand déclinent les astres,
Jupin l’ennuageur soulève en tourbillons
Les vents tempétueux, puis de voiles funèbres
Couvre la terre et l’eau ; tout n’est plus que ténèbres.
Sitôt que l’Aube éclate en lumineux sillons,
On tire la carène au sein d’une ample grotte,
Où des Nymphes du lieu siègent les chœurs dansants.
Réunissant alors chaque compatriote :
« Fils, la nef a boisson et vivres suffisants ;
Donc, crainte d’un malheur, des bœufs qu’on ne dispose,
Ni des moutons dodus, car ce sont les troupeaux
D’un dieu grand, le Soleil, qui voit, sait toute chose. »