Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/252

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Ma troupe généreuse accède à ce propos.
Durant un mois entier Notus souffle avec rage ;
Tout autre vent se tait ; seul, l’accompagne Eurus.
Tant que mes matelots ont le pain, le breuvage,
Ils respectent les bœufs, charmés de plats congrus.
Mais lorsque du bateau tous les vivres s’épuisent,
Ils poursuivent ensemble et par nécessité
Des oiseaux, des poissons, tout ce que leurs mains puisent
Au bout de l’hameçon pour leur ventre irrité.
Dans l’île, moi, je vais prier le ciel utile,
Afin qu’un dénouement d’en haut me soit dicté.
Une fois loin des bords, vers le centre de l’île,
M’étant lavé les mains dans un site abrité,
J’implore tous les dieux que l’Olympe renferme.
Et ceux-ci sur mon front versent un pur sommeil.

Or, Euryloque aux miens chante ce vil conseil :
« Amis, écoutez-moi, quoique vous trimiez ferme !
Il n’est point de trépas qui ne soit odieux ;
Mais expirer de faim est le sort le plus triste.
Donc sur des bœufs de choix tombons à l’improviste,
Et sacrifions-les aux Divins radieux.
D’Ithaque si jamais nous revoyons les landes,
Nous bâtirons un temple à l’Astre Hypérion
Et comblerons l’autel de mille et mille offrandes.
Si le dieu, se plaignant de l’immolation,
Veut noyer notre nef, et qu’on vote sa perte,
J’aime mieux, coulant bas, en un clin d’œil périr
Que de traîner longtemps dans cette île déserte. »

Ainsi parle Euryloque, et mes gens d’applaudir.
Ils poussent à l’instant la fleur des bœufs solaires