Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/253

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Vers le port, car non loin du vaisseau spacieux
Broutait la grosse herde aux dards orbiculaires.
Puis, de cerner leur prise et d’invoquer les Dieux,
En offrant les bourgeons d’un chêne à cime épaisse :
L’orge blanche manquait dans nos sacs généraux.
Les vœux faits, égorgeant, dépouillant les taureaux,
Ils coupent les fémurs, les enduisent de graisse
Doublement, et sur eux posent des morceaux crus.
Le vin manquait aussi pour arroser la flamme,
Mais, les boyaux au feu, l’eau coule à filets drus.
Les fémurs consumés, la tripaille s’entame ;
À la fin on dépèce, on embroche les chairs.

Alors le gai sommeil délaisse mes prunelles ;
Je regagne ma nef, les rives solennelles.
Comme je m’approchais du bateau, des flots clairs,
Un doux parfum de graisse arrive à mes narines.
Navré, je lance un cri jusqu’aux dieux sacro-saints :
« Ô père Zeus, et vous, déités nectarines,
Vous m’avez endormi pour d’effrayants desseins !
Ma troupe en mon absence a commis un grand crime. »

Or, Lampète au long voile a vite dénoncé
Le meurtre du bétail au Soleil altissime.
Soudain aux Immortels l’Astre dit, courroucé :
« Père Jupin, et vous, éternelle milice,
De l’errant Laërtide accablez les compains.
Cruels, ils ont occis ces bœufs qu’avec délice
J’admirais, en montant aux cieux fraîchements peints,
Et quand je descendais vers les terrestres plages.
S’ils ne subissent pas la peine de leurs torts,
Chez Pluton je m’enfonce et brille pour les morts. »