Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Qui depuis trois ans règnent dans ta demeure,
Briguent ta chaste épouse, offrent les dons d’hymen.
Elle, s’imaginant t’embrasser d’heure en heure,
Donne à tous de l’espoir, ajourne au lendemain,
Lance des messagers ; mais ailleurs est son âme. »

À ce commencement, le prince de renom :
« Grands dieux ! dans mon palais, ainsi qu’Agamemnon,
J’allais donc expirer d’une manière infâme,
Si tu ne m’avais pas, ô Dive, tout conté !
Mais forme un plan toi-même, afin que je les broie ;
Reste, souffle en mon sein audace et fermeté,
Comme quand nous brisions les fiers créneaux de Troie.
Supernelle à l’œil bleu, si de toi j’étais sûr,
Je braverais le choc de trois cents hommes même,
Fort de ton doux appui, Divinité suprême. »

Aussitôt la déesse aux prunelles d’azur :
« Va, je t’escorterai, tu seras sous mon aile,
Lorsque nous en viendrons aux prises, et plus d’un,
Parmi ce lâche essaim qui te gruge en commun,
Aux parquets laissera son sang et sa cervelle.
Mais, sus, que je te rende inconnaissable à tous :
Je vais rider ta peau sur tes membres flexibles,
Découronner ton front de ses beaux cheveux roux,
Te couvrir de haillons pour tout le monde horribles,
Enfin rougir tes yeux au rayon enchanteur.
Ainsi tu choqueras tes rivaux pêle-mêle,
Et ta femme, et le fils que tu quittas si frêle.
Tu t’en iras d’emblée au quartier du pasteur
Qui garde tes pourceaux et, de toi l’âme infuse,
Chérit ta Pénélope et ton adolescent.