Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il sera vers les porcs ; ceux-ci s’en vont paissant
Au rocher du Corbeau, près la font d’Aréthuse,
Et mangent le gland doux, boivent le flot bourbeux,
Bons pour entretenir leurs rondeurs corporelles.
Gîte là, questionne, à ton aise verbeux,
Pendant que, moi, j’irai dans Sparte aux femmes belles
Rappeler Télémaque, objet de ton amour.
L’enfant, chez Ménélas qui tient Lacédémone,
De toi s’enquiert, Ulysse, et si tu vois le jour. »

L’ingénieux guerrier, que ce discours étonne :
« Et pourquoi, sachant tout, ne l’as-tu renseigné ?
Fallait-il qu’à son tour sur l’onde infructueuse,
Alors qu’on le ruine, il errât malmené ? »

La déesse aux yeux pers répond majestueuse :
« Que son destin n’occupe à ce point ton esprit ;
Je l’ai conduit là-bas pour qu’il obtînt sa palme.
Nul ennui ne le trouble ; au contraire il vit calme
Dans le palais d’Atride, et, choyé, refleurit.
En fait, d’un noir vaisseau les Prétendants le guettent,
Désireux de l’occire avant qu’il soit rentré.
Mais non ! maints de ces fous qui sur tes biens se jettent,
Sous l’herbe auparavant s’allongeront frustrés. »

Minerve au même instant d’une verge le frappe,
Ride le blanc tissu de son flexible corps,
Flétrit ses beaux cheveux dont la masse s’échappe,
Et lui donne l’aspect d’un vieillard maigre et tors.
Elle rougit ses yeux à la vue animée,
L’affuble d’un chiton et d’un bout de manteau,
Vêtements laids, puants et noircis de fumée.