Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je pleure moins sur eux, quoique, en mon amertume,
J’aspire à les revoir dans leur séjour chéri ;
Mais d’Ulysse manquant le regret me consume.
Bien qu’il soit loin, forain, je n’ose presque pas
Le nommer, car toujours il fut mon appui tendre.
Mais quoi ! c’est mon doux frère, en dépit du trépas. »

Le patient monarque en ces mots de reprendre :
« Mon cher, puisqu’il te plaît de nier carrément,
Et qu’à le voir rentrer ton zèle ainsi renonce,
Je dirai, non en l’air, mais solennellement,
Qu’Ulysse apparaîtra ; pour loyer de l’annonce,
Dès que tu le sauras revenu d’outre-mer,
D’un chiton, d’un manteau pare mon indigence.
Je n’en veux pas avant ce jour, malgré l’urgence ;
Car je hais à l’égal des portes de l’enfer
Celui que pauvreté pousse au mentir inique.
J’atteste le Très-Haut, ce régal xénien,
Et le foyer d’Ulysse, à cette heure le mien,
Que tout s’accomplira comme ici je l’indique.
Ulysse va toucher cette année à Phorcys,
Vers la fin de ce mois ou le début de l’autre ;
De là, gagnant la ville, il châtiera tout peautre,
Insulteur de sa femme et de son noble fils. »

Le serviteur Eumée incontinent s’exclame :
« Vieillard, je n’aurai pas d’annonce à te payer,
Car Ulysse chez lui ne peut plus relayer.
Bois tranquille, parlons d’autre chose, et n’enflamme
Mes souvenirs ; mon sein d’angoisse est palpitant,
Lorsqu’il est question de mon glorieux maître.
Trêve aux serments ; pourtant puisse-t-il reparaître,