Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/293

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Moi, j’avais sottement laissé dans nos cantons
Mon manteau, sans prévoir ce nocturne supplice.
Écu, riche plastron me couvraient simplement.
Mais au tiers de la nuit, les astres s’abîmant,
J’adressai la parole à mon voisin Ulysse,
En le piquant du coude ; il m’ouït empressé :
« Industrieux Ulysse, ardent fils de Laërte,
Tantôt je vais mourir, le froid cause ma perte.
Je n’ai pas de chlamyde ; un dieu faux m’a lancé
Avec mon chiton seul. C’en est fait, je trépasse ! »
Je me tus, et voici la ruse du héros
Aussi leste au conseil qu’à l’attaque dispos.
Vite il me répondit ces deux mots à voix basse :
« Tais-toi, de peur qu’un Grec n’entende clairement. »
Ensuite, se penchant, il forgea ce mensonge :
« Amis, je viens d’avoir un très céleste songe.
Nous sommes loin des nefs ; qu’un de nous promptement
Aille dire au suprême Agamemnon Atride
D’envoyer des vaisseaux un renfort déluré. »

Il dit ; et tout d’un coup Thoas Andrémonide,
Se levant, déposa son manteau purpuré
Pour courir à la flotte ; en sa relique auguste,
Ravi, je m’enfonçai… puis parut l’Aube en feu.
Si j’étais maintenant ainsi jeune et robuste,
De sa mante un pasteur me couvrirait sous peu,
Par tendresse et respect pour un citoyen brave ;
Mais, hélas ! un drilleux suscite le dégoût. »

Pasteur de porcs Eumée, alors ta bouche grave :
« Ô vieillard, ton récit est convenable en tout ;
Tu n’as pas prononcé de parole inutile.
Donc tu ne manqueras ni d’un accoutrement