Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/306

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Qui venait d’aborder Télémaque priant
Et de libations sanctifiant sa coque.
L’étranger vivement de la sorte l’invoque :
« Ami, toi que je trouve en paix sacrifiant,
Au nom de ces tributs, par ta déité sainte,
Par ta tête et le front de ceux que tu régis,
Daigne me renseigner, n’emploie aucune feinte.
Qui donc es-tu ? Quel est ton peuple et ton logis ? »

Le sage Télémaque à ses désirs propice :
« Pérégrin, tu sauras la pure vérité.
Je suis natif d’Ithaque, et mon père est Ulysse,
S’il vit pourtant ; la mort doit l’avoir emporté.
J’ai pris des compagnons, une barque soudaine,
Pour découvrir enfin son parage précis. »

Immédiatement le preux Théoclymène :
« Moi, je quitte mon sol après avoir occis
Un très haut citoyen ; ses amis et ses frères
Peuplent Argos l’hippique, y priment tout vivant.
Je fuis pour éviter leurs mains, les sombres Kères.
Car ma vie est d’errer partout dorénavant.
Reçois-moi dans ta nef, toi qu’en fuitif j’aborde.
Je crains d’être immolé ; sans doute on me poursuit. »

Le jeune chef répond, plein de miséricorde :
« Point ne t’écarterai de ce rempart gratuit ;
Viens, tu partageras au loin notre fortune. »

Il le soulage alors de sa lance d’airain,
La glisse sur le pont de son château marin,
Et monte en dernier lieu, prêt à fendre Neptune.