Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/309

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Mais ta bonté m’accorde un sursis précieux ;
Parle-moi donc à fond de la mère d’Ulysse,
Du père qu’en partant il laissa presque vieux.
Jouissent-ils encor de la saine lumière,
Ou, déjà morts, sont-ils au gouffre de Pluton ? »

Le maître des porchers réplique sur ce ton :
« Étranger, ma réponse en tout sera sincère.
Laërte vit toujours, mais crie au Tout-Puissant
Pour que son existence au plus tôt soit fauchée ;
Car avec désespoir il pleure un fils absent
Et la prudente épouse à son cœur arrachée.
Lamentable décès qui l’a réduit à rien.
Pour elle, du regret de son enfant sublime
Tristement elle est morte : ah ! qu’ainsi ne s’abîme
Quiconque en ce milieu m’est cher, me traite bien !
Tandis qu’elle existait, malgré toute sa peine,
J’aimais la visiter, prendre son avis franc ;
Car elle m’éleva de même que Ctimène,
Sa fille au long péplum, dernier fruit de son flanc.
Nous grandîmes ensemble et sur un pied semblable.
Mais Ctimène, au début de notre floraison,
Se maria dans Same, enrichit sa maison.
La mère, m’octroyant un cadeau remarquable,
Chlamyde, beau chiton, brodequins gracieux,
Aux champs m’expédia ; ses doux soins augmentèrent.
Maintenant j’ai perdu tous ces biens ; mais les Dieux
Ont béni les labeurs où mes bras persévèrent.
Par eux j’ai bu, mangé, reçu d’humbles forains.
Il me manque pourtant le babil de la reine,
Ses bienfaits journaliers, depuis que des hautains
Contaminent son toit : or les gens d’un domaine