Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/348

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D’une part de rôti les servants l’honorèrent ;
L’intendante à son tour lui présenta du pain.
Rendus, pâtre et monarque au perron s’arrêtèrent
En ce moment ; le son d’un luth harmonieux
Vint les frapper, car Phème allait chanter d’office.
Le roi prenant la main de son guide pieux :
« Eumée, assurément c’est le beau toit d’Ulysse ;
On peut le reconnaître entre tous les pourpris.
Que d’étages pompeux ! la cour est entourée
D’un mur à mantelets ; chaque porte d’entrée
A deux battants. Par nul ce fort ne serait pris.
Sans doute un grand festin au dedans se prépare ;
Un doux fumet circule, et l’on entend vibrer
L’âme de tout banquet, la divine cithare. »

Pasteur Eumée, alors ta voix de proférer :
« Tu dis vrai, ton esprit devine toutes choses ;
Pourtant voyons comment s’achèvera ceci.
Ou bien entre premier dans ces murs grandioses
Et te mêle aux Amants, moi demeurant ici,
Ou, si tu l’aimes mieux, reste, je te précède.
Mais viens bientôt : quelqu’un, en te voyant dehors,
Peut te chasser, te nuire ; ainsi donc ne t’endors. »

L’ingénieux guerrier, qui toujours se possède :
« J’entends et je comprends ; tu me sais très expert.
Va d’abord, j’attendrai le long de la façade.
Je suis fait aux dédains, à toute bousculade.
Mon cœur est patient, car j’ai beaucoup souffert
En campagne et sur l’eau ; qu’importe une autre peine !
L’on ne domine point ce gaster effréné
Qui cause tant de maux à la famille humaine.