Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/349

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Pour lui s’arment les nefs au bec éperonné,
Se font les durs trajets, les blessures vermeilles. »

Tandis que de ce mode ils discouraient entre eux,
Un chien couché dressa la tête et les oreilles.
C’était Argus, limier d’Ulysse, que ce preux
Nourrit, mais n’employa, guerroyant au sol riche
De Priam. Autrefois les jeunes fréquemment
L’entraînaient vers le lièvre, et le cerf et la biche.
Ores, veuf de son maître, il dormait tristement
Sur le fumier des bœufs, de la troupe muline,
Tassé près du portail jusqu’à ce qu’aux guérets
Les chartons l’eussent mis en qualité d’engrais.
Là donc gisait Argus, rongé par la vermine.
Dès qu’il sentit Ulysse auprès de lui passer,
Il remua la queue et baissa les écoutes ;
Mais, las ! vers son seigneur il ne put s’avancer.
Celui-ci l’ayant vu pleura d’amères gouttes
Qu’au pâtre il sut cacher ; ensuite, s’informant :
« Eumée, un chien pareil repose en cette ordure ?
Son corps me semble beau, mais j’ignore vraiment
Si jadis sa vitesse égalait sa tournure,
Ou s’il appartenait au genre orne-festin
Qu’on engraisse chez soi par pure gloriole. »

Pasteur Eumée, alors tu dis cette parole :
« C’est le chien d’un héros mort en pays lointain.
S’il reprenait la taille et l’ardeur chasseresse
Qu’il avait au départ du roi pour Ilion,
Tu vanterais encor sa force et son adresse.
Nul fauve n’échappait à son fougueux sillon,
Au sein des bois ; son flair éventait toute piste.