Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/382

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Depuis vingt ans. J’étais un enfant jusqu’ici ;
Ores je les dérobe aux vapeurs de la flamme. »

Eurycléa réplique, entière à son devoir :
« Plaise aux dieux, mon enfant, que tu deviennes grave,
Pour régir ta maison, conserver ton avoir !
Mais dis, puisqu’il te plaît d’écarter toute esclave,
Qui t’accompagnera comme porte-flambeau ? »

Le prudent Télémaque alors d’une voix vive :
« Ce sera l’étranger. Qui touche à mon boisseau
Ne saurait être oisif, de si loin qu’il arrive. »

Il dit ; Eurycléa, sans répondre un seul mot,
Va clore du logis les portes magnifiques.
Le monarque et son fils, se levant aussitôt,
Transportent les armets, les redoutables piques
Et les écus bombés. Pallas les précédait,
Tenant un fanal d’or à l’éclairage intense.
Adonc l’enfant royal de crier stupéfait :
« Ô mon père, je vois une merveille immense.
Tous les murs du château, les superbes lambris,
Les poutres de sapin et les grêles pilastres,
À mes yeux éblouis ont une clarté d’astres.
Certe un Olympien visite ce pourpris. »

En ces termes repart l’industrieux Ulysse :
« Silence ! contiens-toi, ne m’interroge point ;
Ainsi brille toujours l’ambroisine milice.
Mais va te reposer ; moi, je demeure à point
Pour éprouver encor les femmes — et ta mère
Qui sur tout, dans son deuil, doit me questionner. »