Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/383

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Télémaque, à ces mots, sous une ample lumière,
En traversant la cour, s’empresse de gagner
La chambre qui l’accueille aux heures somnolentes.
Se jetant sur son lit, il espère le jour.
Quant au sublime roi, ferme dans son séjour,
Il règle avec Pallas ses mesures sanglantes.

Pénélope bientôt descend de son boudoir,
Belle comme Artémise ou la blonde Aphrodite.
Près du foyer on met sa chaise favorite
Et d’ivoire et d’argent, due au parfait savoir
D’Icmal, qui pour les pieds l’orna d’une escabelle
Adhérente, où s’étale une peau de brebis.
Là s’assied Pénélope aussi bonne que belle.
Ses filles aux bras blancs accourent des parvis.
Elles ôtent le pain abondant, les trapèzes,
Les coupes qui servaient à chaque écornifleur,
Puis, ranimant les feux, entassent sur les braises
D’autre bois, pour donner et lumière et chaleur.
Cependant Mélantho réinjurie Ulysse :
« Étranger, vas-tu donc passer toute la nuit
À rôder, épiant les femmes de service ?
Sors, traître, n’attends plus un aliment fortuit,
Ou, frappé d’un tison, tu franchiras la porte. »

Le héros, lui lançant un regard irrité :
« Folle, pourquoi me poindre avec tant d’âcreté ?
Est-ce pour mon relent, les haillons que je porte,
La faim que je promène ? Hélas ; c’est mon destin.
Tels sont les vagabonds, les hommes à la gêne.
Jadis riche moi-même, en un manoir hautain
Je vivais, et toujours j’accueillais un égéne,