Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/386

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Ces chefs pressent l’hymen ; moi, toujours je les leurre.
Un dieu premièrement, pour m’avoir des délais,
M’inspira de tisser au fond de mon palais
Un voile fin, très grand, et je leur dis sur l’heure :
« Mes jeunes amoureux, puisque Ulysse n’est plus,
Avant de convoler souffrez que je termine
(Puissent mes fils servir jusqu’au dernier inclus ! )
Ce drap que ma tendresse à Laërte destine,
Quand la Kère impiteuse aura frappé l’aïeul.
Après moi clamerait toute grecque matrone,
Si l’opulent héros gisait sans un linceul.
Mon discours convainquit leur âme encore bonne.
Or, ce que j’ourdissais en un tour de soleil,
Mes doigts le défaisaient, la lampe rallumée.
Ce jeu dura trois ans et ne donna d’éveil.
Mais quand l’heure amena la quatrième année,
Qu’avec les mois hâtifs s’épuisèrent les jours,
Instruits par mon essaim de servantes cyniques,
Ils vinrent me surprendre, insolents, tyranniques,
Et je dus achever l’œuvre tardant toujours.
Ores je ne peux fuir cet hymen détestable,
Trouver d’autre biais ; mes parents soucieux
Forcent ma main ; mon fils voit, d’un œil furieux,
Ces gloutons, car déjà c’est un homme capable
De gouverner son toit, d’être honoré de Zeus.
Néanmoins dépeins-nous ton sol, ton origine ;
Tu n’es pas né d’un chêne ou d’un roc, j’imagine. »

En ces termes répond le subtil Odysseus :
« Ô pudique moitié d’Ulysse Laërtide,
À tout prix tu veux donc connaître mon berceau ?
Eh bien ! je le dirai ; mais la douleur rapide