Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/408

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Ou ton arc, ô Diane, afin que, contemplant
Ulysse, même au fond du gouffre lamentable,
Je n’aille réjouir un moins parfait mari !
Le fardeau du malheur est encor supportable,
Quand on pleure, le jour, profondément marri,
Et que, la nuit, l’on dort ; car le sommeil efface
Le bien comme le mal, lorsque les yeux sont clos.
Mais, moi, de songes vains un démon me tracasse.
Tout à l’heure en mes bras reposait un héros,
Semblable à mon guerrier ; et j’étais bien heureuse,
Tenant ce rêve faux pour très vrai, cette fois. »

Elle se tait ; l’Aurore éclate radieuse.
De la pleurante reine Ulysse entend la voix ;
Adonc il réfléchit et vite se figure
Qu’il en est reconnu, qu’elle effleure son corps.
Ramassant les toisons et l’ample couverture,
Il va les déposer dans la salle, et dehors
Traîne le cuir taurin ; puis à Zeus, les mains jointes :
« Père Zeus, si ton veuil, à travers terre et flots,
Chez moi m’a ramené, féru de mille pointes,
Qu’à son réveil quelqu’un me flatte d’heureux mots,
Et qu’en l’air de ta gloire un signe se déploie ! »

Telle est son oraison ; le Dieu juste l’entend.
Aussitôt des sommets de l’Olympe éclatant
Il fait bruire sa foudre. Ulysse est dans la joie.
Une servante alors, qui broyait là du grain
Aux meules du héros, dit la phrase opportune.
Douze femmes d’accord mettaient leur pierre en train,
Moulant l’orge et le blé, notre moelle commune.
Mais toutes, leurs sacs pleins, dormaient de bon aloi.