Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/42

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Telle fut sa prière, et sur-le-champ Minerve
Le joignit, de Mentor prenant l’air et la voix.
Puis elle proféra ces paroles ailées :
« Enfant, tu ne seras lâche ou fol à nouveau.
D’Ulysse si tu tiens ce courageux cerveau
Qui réglait son discours, ses œuvres signalées,
Ni stérile ni vain ne sera ton trajet.
Si Pénélope et lui n’ont rougi tes artères,
Je n’attends rien de bon de l’actuel projet.
En effet peu d’enfants ressemblent à leurs pères ;
Pires sont la plupart, peu deviennent meilleurs.
Mais comme tu vivras sans erreurs, sans faiblesse,
Que tu n’as point d’Ulysse oublié la sagesse,
Je vois tes beaux desseins sous d’heureuses couleurs.
Donc méprise aujourd’hui l’astuce et les menées
Des intrus ; ils ne sont ni justes ni prudents.
Ils n’ont pas vu la mort, les noires Destinées
Qui les pressent et vont les perdre en même temps.
Bientôt s’effectuera le départ que tu rêves,
Car moi, l’ancien ami de ton père adoré,
J’équiperai ta nef, je t’accompagnerai.
Ores pour ton logis abandonne ces grèves.
Fais tes provisions, dans des vases tiens-les ;
Mets le vin dans des pots, en des cuirs la farine,
Moelle du genre humain ; moi, parmi la Marine
J’élirai des nochers qui viendront sans délais.
Cent vaisseaux, vieux ou neufs, bordent l’île d’Ithaque :
Je prendrai la carène aux meilleurs avirons,
Et, sitôt en état, au loin nous voguerons. »

La Jovienne Pallas se tut, et Télémaque
Ne traîna davantage, après ces mots divins.