Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/54

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Le prudent Télémaque alors, plein d’assurance,
Répondit (car Minerve avait enflé son cœur,
Afin que de son père il découvrît la route
Et pour lui-même obtînt chez l’homme honneur et lôs) :
« Ô Nestor Néléide, ornement de Pylos,
Tu désires savoir qui nous sommes ? écoute.
Nous provenons d’Ithaque, au pied du Néïon.
Privée et non publique est ici notre affaire.
Je viens pour m’enquérir de mon illustre père,
Ulysse, l’être fort qui près de toi, dit-on,
A combattu jadis et renversé Pergame.
Car tous les autres preux acharnés aux Troyens,
Nous savons en quel point chacun a rendu l’âme ;
Mais lui, Zeus de son sort fait un mystère aux siens.
Sa fin par nul témoin n’est clairement décrite,
Soit qu’un fer l’ait occis d’emblée au continent,
Soit qu’il ait disparu sous les flots d’Amphitrite.
À tes pieds c’est pourquoi je tombe maintenant,
Pour que de son trépas tu veuilles bien m’instruire,
Si tu le vis toi-même, ou si te le conta
Quelque homme errant : maudit sa mère l’enfanta.
Par respect ou pitié ne va point m’éconduire,
Mais narre franchement l’aventure au total.
De grâce, si jamais mon brave père Ulysse,
Agissant ou parlant, te rendit un service
Chez le peuple troyen à vous, Grecs, si fatal,
Souviens-t’en aujourd’hui, dis la vérité pure. »

L’écuyer Gérénin, Nestor, lui répondit :
« Cher, tu m’as rappelé l’existence si dure
Que nous, Grecs indomptés, menâmes sans répit,
Alors que nos vaisseaux erraient dans les ténèbres,