Page:Honnorat - Dictionnaire provençal-français, Projet, 1846.djvu/8

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bien servir pour quelque chose à l’établissement d’un catalogue de mots, mais ils sont tout-à-fait inutiles et Impuissants pour en fixer l'orthographe et en faire ressortir le génie.

Mon premier besoin est donc, pour justifier mon audacieuse entreprise, de vous faire connaître comment j’ai été amené à m’occuper du travail que j’ai l’honneur de vous soumettre aujourd’hui, et de vous dire qu’il ne fut entrepris, et longtemps continué, que pour mon usage particulier.

Né dans la partie la plus reculée du département des Basses-Alpes, et à peine âgé de six ans, lorsque la révolution de 1789, en obligeant les ecclésiastiques à aller chercher chez des voisins, cette liberté de conscience que la patrie cessait de leur garantir, vint me priver, avec tous mes concitoyens, des seuls moyens d’instruction qui étalent à notre disposition et à notre portée ; leur éloignement fut cause que livré à mol même dans un âge où je ne connaissais d’autre langue que le dialecte du pays, je me vis forcé, malgré le vif désir que j’avais de m’instruire, d’interrompre des études a peine commencées. Ayant appris plus tard , qu’il existait un dictionnaire provençal-français, je me hâtai d’en demander un exemplaire, croyant y trouver le moyen de rendre mes idées en français, ainsi que les noms des choses que je savais en provençal, mais vain espoir. Le Vocabulaire en 2 vol. in 4. de 1785, qu’on me procura, fut loin de satisfaire mon attente, car outre que ce dictionnaire ne contient qu’une partie des expressions d’Aix et de Marseille, et presqu’aucune de celles de la haute Provence , il laisse tout à désirer sous le rapport de l’exécution. N’espérant pas cependant de pouvoir en trouver un plus complet, je formai un volume de papier blanc, auquel je donnai la même pagination, et je commençai à y inscrire mes observations, mes corrections et mes additions ; voilà la première idée et l’origine de l’ouvrage que j’ai l’avantage de soumettre aujourd’hui à votre jugement.

Pendant plus de six années que je passai à Grenoble ou à Paris, pour étudier la médecine et l’histoire naturelle, je ne perdis jamais de vue la langue provençale, quoique je ne l’eusse considérée jusque là que comme un moyen , ou une espèce d’échelle pour arriver à la langue française. Je me procurai tous les ouvrages que je pus rencontrer sur les divers dialectes du Roman ; j’étudiai l’Espagnol, l’Italien et le Portugais qui en font partie . et je me convainquis avec tout le