Page:Honnorat - Dictionnaire provençal-français, Projet, 1846.djvu/9

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monde, que ces diverses langues, ainsi que leurs idiomes, proviennent toutes d’une mère commune ; que les radicaux de l’une sont, en général, les mêmes que ceux des autres, et que le plus grand nombre des mots qui les composent ne diffèrent que par leurs désinences ; que la langue latine est la souche d’où elles sont toutes sorties : que l’Italien, l’Espagnol, le Portugais et le Catalan ayant de bonne heure adopté des règles fixes pour leur orthographe et leur syntaxe, borné leur vocabulaire, ont pris rang parmi les langues, tandis que le Provençal et ses divers dialectes, livrés à l’arbitraire, et l’on peut même dire à l’ignorance de leurs écrivains, n’ont été qualifiés que d’idiomes, quoiqu’ils offrent plus de régularité, plus d’ensemble et plus de philosophie qu’aucune des autres langues modernes.

Ce premier pas fait, et cette conviction acquise, le chaos orthographique qui m’avait frappé dans les différents auteurs qui ont écrit en provençal, me parut d’autant plus choquant, que j’entrevoyais, dès ce moment même, le moyen de le faire cesser. Une langue dérivée d’une autre, ou de plusieurs autres, me disais-je, doit avoir une orthographe certaine : car il n’y a qu’à chercher quelles ont été les règles qui ont présidé à sa formation, voir quelles sont les soustractions, les additions, les transpositions et les changements de lettres qu’on a fait subir aux mois empruntés, pour reconnaître quelle doit être la véritable manière de les écrire.

Je ne m’étais occupé jusqu’alors, qu’à grossir le vocabulaire que j’avais sous les yeux, et j’étais en quelque sorte fier de l’avoir porté de quinze milice plus de quarante cinq mille mots, quand je m’apperçus que ce que je regardais comme une richesse n’était à vrai dire, qu’un embarras de plus ; que cette foule de mots écrits de toutes les manières possibles, non seulement par des auteurs différents, mais par la même plume , ne faisaient qu’augmenter la confusion : que la plupart de ces mots n’étaient que des altérations les uns des autres, et qu’il n’y avait plus moyen de s’y reconnaître si l’on n’en venait pas à l’application de la méthode déjà indiquée, c’est-à-dire si l’on ne prenait pas l’étymologie pour guide ; car tous ceux qui se sont occupés des langues dérivées sont convaincus que ce n’est qu’à la clarté de ce flambeau que l’on peut marcher sans s’égarer, que ce n’est qu’à l’aide de ce fil qu’on peut se tirer du labyrinthe construit par les écrivains qui n'ont eu d'autre objet en vue, dans leur orthographe.