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épitres.

à dresser un front libre contre la fortune insolente ? Si le peuple Romain me demandait par hasard pourquoi je n’use point de ses jugements comme de ses portiques, pourquoi je ne recherche point ce qu’il aime et je ne fuis point ce qu’il hait, je répondrais ce que répondit autrefois le renard rusé au lion malade : « Parce que ces traces me font peur, toutes allant vers toi et aucune ne revenant. » Peuple, tu es une bête féroce à beaucoup de têtes ! À quoi donc m’attacher ? qui suivre ? Les uns veulent prendre la gestion des revenus publics ; il en est qui chassent les veuves avares avec des gâteaux et des fruits, qui pêchent des vieillards et les mettent dans leurs viviers ; la richesse du plus grand nombre s’accroît par l’usure secrète. Soit, chacun est dominé par ses goûts et ses désirs propres, mais le même homme peut-il, une seule heure, aimer la même chose ? — « Aucun golfe dans le monde n’est plus beau que celui de l’aimable