s’attacha vivement à lui et lui fit présent d’un domaine en Sabine, non loin de Rome, situé sur les pentes de l’Ustique, en vue du mont Lucrétile. Horace garda vis-à-vis de son bienfaiteur une certaine indépendance. Tout en l’invitant de temps à autre à venir boire de son vin de Cécube, il lui parlait avec franchise, sur le pied d’un obligé reconnaissant, mais point du tout servile. On le voit par l’épître où il lui dit : « Plutôt que de paraître m’engraisser à vos dépens, j’aime mieux tout rendre. » Et Mécène, loin de s’en fâcher, le recommandait plus tard d’une façon spéciale à l’empereur dans son testament : « Souvenez-vous d’Horace comme de moi-même. » Auguste n’avait pas attendu l’invitation pour faire le premier des avances au poète, se plaignant même doucement à lui de n’avoir pas encore été nommé dans ses vers. Il voulut aussi l’avoir pour secrétaire. Horace refusa, préférant l’indépendance avec un revenu modeste. Nullement orgueilleux de la faveur impériale, il rappelait volontiers aux courtisans, loin d’en rougir devant eux, le souvenir ému de son père l’affranchi. Resté fidèle aux opinions de sa jeunesse, l’ami de Mécène continuera, en plein despotisme, à célébrer la liberté ravie et le noble trépas de Caton. Fuyant toutefois les stoïciens, dont la morgue se guinde et se piète en un vain effort pour s’élever au-dessus des faiblesses humaines, il inclinerait plutôt vers la morale d’Aristippe, qui se résigne à l’existence et l’accepte telle qu’elle est, avec ses plaisirs et ses peines et sait y trouver les éléments d’un bien-être qui lui suffit.
Nul mieux que lui n’a rendu le charme intime qui naît des habitudes d’une vie simple, librement choisie, et la fleur inattendue de poésie qui tout d’un coup s’y découvre et la couronne. On se le représente volontiers dans sa maison de la Sabine, au bord de la source d’eau vive qui répand une si délicieuse fraîcheur. Débar-