rassé de tout souci matériel et la vue chaque jour réjouie par les bois et les rochers pittoresques d’alentour, il se délecte, sous ses poiriers en fleur, à relire Sapho, Alcée, Anacréon, en même temps qu’il fait passer dans la langue latine l’esprit brillant et léger de ces beaux génies de la Grèce. Écrivant peu, mais rien que d’exquis, de façon à ménager sa veine au profit de sa renommée, aucune ambition ne le tourmente, aucune passion violente ne l’agite. Les maîtresses qui tour à tour ont égayé ses loisirs ou occupé un moment son cœur, sans le déchirer jamais, Néère, Tyndaris, Cinara, Barine, Lalagé, ne cherchaient, comme lui, dans l’amour que les plaisirs qu’il donne, et ne le fatiguaient pas d’une trop longue fidélité.
Les vrais poètes sont contemporains de tous les siècles et la postérité continue d’aimer et d’honorer dans sa meilleure part l’âme profonde ou légère qu’ils ont exhalée dans leurs chants. Sauf la différence des temps et des mœurs, Horace est encore un des nôtres, le mieux doué, le plus sensible et le plus délicat. S’il savoure avec délices les douceurs de la vie rustique, il ne s’y laisse pas absorber. Même en vantant la campagne, il se souvient de la ville et reste en partie citadin. On le devine à la ciselure de diction qu’il porte dans ses odes et qu’un art consommé peut seul atteindre. « Son expression, a dit un habile critique, est vive et concise, son image serrée et polie jusqu’à l’éclat : elle luit comme un marbre de Paros, comme un portique d’Albano au soleil. »
A mesure que l’âge avance et que s’accroît son expérience des hommes et des choses, le poète philosophe s’élève de terre aussi haut qu’il soit donné à notre nature sans perdre pied et remplit ses vers d’excellents préceptes de sagesse pratique. Une vivacité charmante de raison et de jugement, que met dans tout son jour la