Eh bien, que nul avis sur le mien ne prévale:
Comme jadis, en leur mâle courroux,
Les Phocéens ont fui, laissant terre natale,
Temples et dieux aux sangliers, aux loups,
Cheminons au hasard, voguons, n'importe l'onde,
Au gré des vents ou du Sud ou du Nord.
Est-ce bien ? A-t-on mieux ? L'augure nous seconde:
Pourquoi tarder de s'élancer à bord ?
Mais faisons ce serment: « Quand sur l'algue marine
Les rocs tiendront, rentrer sera permis.
Vers Rome l'on pourra cingler, lorsque Matine
Sous l'Eridan noiera son front soumis ;
Lorsque de l'Apennin la mer joindra le faîte;
Qu'un rut terrible, un monstrueux élan
Au tigre accouplera la biche satisfaite ;
Quand la colombe aimera le milan;
Que les bœufs aux lions se mêleront d'eux-mêmes ;
Que boucs sans poils boiront aux flots salés. »
Après ce pacte fier, cent autres anathèmes
Qui du retour nous confisquent les clés,
Partons tous, ou du moins les meilleurs; que le reste,
Troupeau sans âme, erre aux foyers maudits.
Vous les hommes de cœur, trêve au chagrin funeste,
Et loin du Tibre allez, colons hardis !
L’Océan nous attend. Gagnons ces champs superbes,
Ces champs féconds, ces îles de bonheur
Où Cérès sans effort étale mille gerbes,
Où le cep croît, vierge du sécateur,
Où l’arbre de Pallas prodigue son olive,
Où du figuier le fruit est incessant,
Page:Horace - Odes, Épodes et Chants séculaires, Séguier, 1883.djvu/213
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