Page:Horace - Odes, Épodes et Chants séculaires, Séguier, 1883.djvu/79

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V

SUR LALAGÉ


Elle ne saurait plier encor la tête
Au joug, ni traîner à deux un soc nouveau ;
      Son doux flanc ne pourrait du taureau
   Subir le poids, en l’amoureuse fête.

Ta tendre génisse aux terrains verdoyants
Borne ses désirs, tantôt d’un flot limpide
      S’abreuvant, tantôt au bord humide
   D’une saulaie, avec les veaux bruyants

Courant folâtrer. Du raisin âpre encore
Détourne ta soif : l’Automne, au riche écrin,
      Avant peu, d’un éclat purpurin
   Teindra pour toi cette grappe incolore.

Tu l’auras bientôt, car le Temps fuit jaloux
Et la dotera des beaux ans qu’il t’enlève
      Dans son cours ; bientôt, pleine de sève,
   Ta Lalagé va briguer un époux, —

Éclipsant dès lors Pholoé, la rigide,
Et même Chloris, dont l’épaule reluit
      Comme l’astre argenté de la nuit
   Sur l’Océan, ou ce Gygès de Gnide,

Qui, par ses traits fins, ses beaux cheveux épars,
Placé dans un chœur de vierges sous les armes,
      Tromperait, au sujet de ses charmes,
   Des étrangers les plus malins regards.