Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 4.djvu/114

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D'autres biens, d'autres maux font nos voeux et nos craintes.

Tout ce qui peut charmer ou troubler vos esprits,

Notre oeil plus éclairé le voit avec mépris. [735]

Montez, montez, Madame, au trône de Syrie ;

Soyez de vos sujets redoutée et chérie ;

Que le ciel favorable accorde à vos désirs

Ce que vous connaissez d'honneurs et de plaisirs :

Mais de grâce, pour prix d'un souhait si sincère, [740]

Laissez-nous les liens, l'opprobre, la misère ;

Laissez-nous le trépas ; et charmez de ce bien,

Notre coeur expirant ne vous enviera rien.

Antigone

à part,

Ô courage héroïque ! Ô vertu que j'admire !

Salmonée

Madame vous pleurez, et votre coeur soupire ! [745]

Touché de mes douleurs devient-il moins cruel !

Voudriez-vous enfin me rendre Misaël ?

Antigone

Atteinte autant que vous de vos vives alarmes,

Je n'ai pu retenir mes soupirs et mes larmes,

Mais par votre douleur plus vous m'attendrissez, [750]

Dans mon dessein aussi plus vous m'affermissez.

Oui votre fils vivra, j'ose vous en répondre.

Salmonée

Plus vous m'en répondez, plus je me sens confondre.

Je ne puis donc vous vaincre, et vous vous obstinez

Dans ce projet fatal que vous entreprenez. [755]

Vous voulez éprouver jusqu'où mon fils vous aime,

Vous voulez dans son coeur triompher de Dieu même.

Eh bien, allez tenter ce sacrilège effort,

Pressez-le de choisir entre vous et la mort :

Mais du moins à vos pieds où la douleur me jette, [760]