La laisserez-vous donc encor s'en applaudir ;
Au lieu d'intimider aux dépens de sa vie
Celles que séduirait son audace impunie ?
De la sévérité si vous craignez l'excès, [565]
De la douceur aussi quel serait le succès ?
Voulez-vous tous les jours qu'une fière sujette,
Des enfants de ses rois médite la défaite ;
Que profitant d'un âge ouvert aux vains désirs,
Où le coeur imprudent vole aux premiers plaisirs, [570]
Elle usurpe sur eux un pouvoir qui nous brave,
Et dans ses souverains se choisisse une esclave ?
Délivrez vos enfants de ce funeste écueil ;
De ces fières beautés épouvantez l'orgueil ;
Et qu'Inès condamnée apprenne à ces rebelles [575]
À respecter des coeurs trop élevés pour elles.
Je voulais la punir ; et mon premier transport
Avec vos sentiments n'était que trop d'accord :
Mais je ne suis pas roi pour céder sans prudence
Aux premiers mouvements d'une aveugle vengeance. [580]
Il est d'autres moyens que je dois éprouver.
Ordonnez qu'elle vienne à l'instant me trouver.
Scène II
Ô ciel, tu vois l'horreur du sort qui me menace !
Je crains toujours qu'un fils, consommant son audace,
Ne me réduise enfin à la nécessité [585]
De punir malgré moi sa coupable fierté.
N'oppose point en moi le monarque et le père ;