Votre sang illustré par cent fameux exploits,
Ne le cède en ces lieux qu'à celui de vos rois.
Sur tout à votre aïeul, guide de mon enfance, [615]
Je sais ce que mon coeur doit de reconnaissance.
C'est ce sage héros qui m'apprit à régner ;
Et par lui la vertu prit soin de m'enseigner
Comme on doit soutenir le poids d'une couronne,
Pour mériter les noms que l'univers me donne. [620]
D'un service si grand plus je vous peins l'éclat,
Plus vous voyez combien je craindrais d'être ingrat.
Recevez donc le prix de ce peu de sagesse
Que dès mes jeunes ans je dûs à sa vieillesse ;
Et vous même jugez par d'illustres effets [625]
Si je sais au service égaler les bienfaits.
Rodrigue est de mon sang, il vous aime, Madame !
Il m'a souvent pressé de couronner sa flamme.
Je vous donne à ce prince, et par un si beau don
Alphonse ne craint point d'avilir sa maison. [630]
Mes peuples par le rang où ce choix vous appelle
Connaîtront de quel prix m'est un ami fidèle.
Je vais par vos honneurs apprendre au Portugal
Que qui forme les rois, est presque leur égal.
Des services des miens vantez moins l'importance, [635]
L'honneur de vous les rendre en fût la récompense :
S'ils ont versé leur sang, il était votre bien ;
Ils ont fait leur devoir, vous ne leur devez rien.
Mais si trop généreux, votre bonté suprême
Voulait en moi, Seigneur, payer leur devoir même, [640]
Je vous demanderais pour unique faveur
De me laisser toujours maîtresse de mon coeur.
Rodrigue par ses feux ne sert qu'à me confondre ;
Je ne sens que l'ennui de n'y pouvoir répondre.