Soyez juste : des rois c'est le devoir suprême :
Mais le crime apparent n'est pas le crime même.
Un ingrat, un rebelle est digne du trépas ;
À ces titres, Seigneur, votre fils ne l'est pas.
Si malgré les traités il refuse Constance, [1155]
Ce n'est point un effet de désobéissance.
En forçant ce palais, les armes à la main,
Il n'a point attenté contre son souverain.
Il vous pouvait d'un mot prouver son innocence ;
Mais il croît me devoir ce généreux silence ; [1160]
Et, pour lui dédaignant un facile secours,
Il aime mieux mourir que d'exposer mes jours.
C'est à moi d'éclairer la justice d'Alphonse.
Que sur la vérité votre bouche prononce,
Ces crimes qu'aujourd'hui poursuit votre courroux [1165]
Le devoir les a faits ; le prince est mon époux.
Mon fils est votre époux ! Ciel, que viens-je d'entendre !
Et sur quelle espérance osez-vous me l'apprendre ?
Quand vous voyez pour lui l'excès de ma rigueur,
Pensez-vous pour vous-même attendrir mieux mon coeur ? [1170]
Ah ! Seigneur, mon aveu ne cherche point de grâce.
D'un plus heureux succès j'ai flatté mon audace ;
Et je ne prétends rien, en vous éclaircissant,
Que livrer la coupable, et sauver l'innocent.
Seule, j'ai violé cette loi redoutable [1175]
Que vous m'avez tantôt jurée inviolable ;
J'ai mérité la mort : mais, Seigneur, cette loi
N'engageait point le prince, et ne liait que moi.
Je ne m'excuse point par l'amour le plus tendre,
Par le péril pressant dont il fallait défendre [1180]
Un fils que vos yeux même ont vu prêt à périr,
Que le don de ma foi pouvait seul secourir.