Tous deux à votre trône ont des droits solennels. [1205]
Embrassez, mes enfants, ces genoux paternels.
D'un oeil compatissant, regardez l'un et l'autre ;
N'y voyez point mon sang, n'y voyez que le vôtre.
Pourriez-vous refuser à leurs pleurs, à leurs cris
La grâce d'un héros, leur père et votre fils. [1210]
Puisque la loi trahie, exige une victime,
Mon sang est prêt, Seigneur, pour expier mon crime.
Épuisez sur moi seule un sévère courroux ;
Mais cachez quelque temps mon sort à mon époux ;
Il mourrait de douleur ; et je me flatte encore, [1215]
De mériter de vous ce secret que j'implore.
Allez chercher mon fils. Qu'il sache qu'aujourd'hui
Son père lui fait grâce, et qu'Inès est à lui.
Juste ciel ! Quel bonheur succède à ma misère ?
Mon juge en un instant est devenu mon père ! [1220]
Qui l'eût jamais pensé, qu'à vos genoux, Seigneur,
Je mourrais de ma joie, et non de ma douleur !
Ma fille, levez-vous. Ces enfants que j'embrasse
Me font déjà goûter les fruits de votre grâce :
Ils me font trop sentir que le sang a des droits [1225]
Plus forts que les serments, plus puissants que les lois.
Jouissez désormais de toute ma tendresse.
Aimez toujours ce fils que mon amour vous laisse.
Quel trouble ! Que deviens-je ! Et qu'est-ce que je sens ?
Des plus vives douleurs quels accès menaçants ! [1230]
Mon sang s'est tout à coup enflammé dans mes veines.