L’ORME ET LE NOYER
Sur le penchant d’une montagne,
Haut et puissant seigneur de la campagne,
L’orme habitoit près du noyer.
Bons voisins, ils jasoient pour se désennuyer.
L’orme disoit à son compere ;
En vérité j’ai lieu de me plaindre du sort.
Je suis haut, verdoyant et fort ;
Stérile avec cela ; point de fruit ; j’ai beau faire ;
Je n’en sçaurois porter ; la nature eut grand tort.
Je fais ombre, et c’est tout. Cela me mortifie.
Voisin noyer le consoloit :
Il te fâche de voir comme je fructifie ;
J’ai de trop ce qu’il te falloit.
Mais que veux-tu ? Le ciel répand ses graces
Comme il lui plaît ; non pas comme nous l’entendons.
Plus élevé que moi, de vingt pieds tu me passes ;
Il m’a fait à moi d’autres dons.
J’ai le meilleur lot, à tout prendre.
Le fruit nous sied fort bien ; arbre qui n’en peut rendre,
N’est à mon sens, un arbre qu’à demi ;
Mais console toi, mon ami,
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