Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/136

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LE CAMELEON

Deux de ces gens coureurs du monde,
Qui n’ont point assez d’yeux et qui voudroient tout voir ;
Qui pour dire, j’ai vû, je le dois bien sçavoir,
Feroient vingt fois toute la terre ronde :
Deux voyageurs, n’importe de leur nom,
Chemin faisant dans les champs d’Arabie
Raisonnoient du caméléon.
L’animal singulier ! Disoit l’un ; de ma vie
Je n’ai vû son pareil ; sa tête de poisson,
Son petit corps lezard, avec sa longue queuë,
Ses quatre pattes à trois doigts,
Son pas tardif, à faire une toise par mois,
Par-dessus tout, sa couleur bleuë…
Alte-là, dit l’autre ; il est verd ;
De mes deux yeux je l’ai vû tout à l’aise.
Il étoit au soleil, et le gosier ouvert,
Il prenoit son répas d’air pur… ne vous déplaise,
Réprit l’autre, il est bleu ; je l’ai vû mieux que vous,
Quoique ce fût à l’ombre : il est verd ; bleu, vous dis-je :