Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/137

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Démenti ; puis injure ; alloient venir les coups,
Lorsqu’il arrive un tiers. Eh ? Messieurs quel vertige !
Holà donc ; calmez-vous un peu.
Volontiers, dit l’un d’eux ; mais jugez la querelle
Sur le caméléon ; sa couleur, quelle est-elle ?
Monsieur veut qu’il soit verd ; moi je dis qu’il est bleu.
Soyez d’accord, il n’est ni l’un ni l’autre,
Dit le grave arbitre ; il est noir.
À la chandelle, hier au soir,
Je l’examinai bien ; je l’ai pris, il est nôtre,
Et je le tiens encor dans mon mouchoir.
Non, disent nos mutins, non je puis vous répondre
Qu’il est verd ; qu’il est bleu ; j’y donnerois mon sang.
Noir, insiste le juge ; alors pour les confondre,
Il ouvre le mouchoir, et l’animal sort blanc.
Voilà trois étonnés, les plaideurs et l’arbitre ;
Ne l’étoient-ils pas à bon titre ?
Allez enfans, allez, dit le caméléon ;
Vous avez tous tort et raison.
Croyez qu’il est des yeux aussi bons que les vôtres ;
Dites vos jugemens ; mais ne soyez pas fous
Jusqu’à vouloir y soûmettre les autres.
Tout est caméléon pour vous.