Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/157

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ET LA SIRENE

Quelle espece est l’humaine engeance !
Pauvres mortels où sont donc vos beaux jours ?
Gens de desir et d’espérance,
Vous soûpirez long-temps après la jouïssance ;
Jouïssez-vous ? Vous vous plaignez toûjours.
Mille et mille projets roulent dans vos cervelles.
Quand ferai-je ceci ? Quand aurai-je cela ?
Jupiter vous dit, le voilà,
Demain dites-m’en des nouvelles,
Jouïssez ; je vous attends-là.
Ne vous y trompez pas ; toute chose à deux faces ;
Moitié défauts et moitié graces.
Que cet objet est beau ! Vous en êtes tenté.
Qu’il sera laid, s’il devient vôtre !
Ce qu’on souhaite est vû du bon côté ;
Ce qu’on posséde est vû de l’autre.
D’une sirène un homme étoit amoureux fou.
Il venoit sans cesse au rivage
Offrir à sa Venus le plus ardent hommage ;
Se tenoit là, soupiroit tout son soû.