Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/161

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LES GRILLONS

Deux grillons bourgeois d’une ville,
Avoient élû pour domicile
D’un magistrat le spacieux palais.
Hôtes du même lieu, sans pourtant se connoître,
L’un logeoit en seigneur au cabinet du maître ;
L’autre dans l’antichambre habitoit en laquais,
Un jour jasmin grillon sort de sa cheminée ;
Trotte de chambre en chambre, et faisant sa tournée,
Arrive au cabinet ; entend l’autre grillon.
Bon jour, frere, dit-il. Bon jour, répondit l’autre.
Votre serviteur. Moi le vôtre.
Mettez-vous là, dit l’un. L’autre, point de façon ;
Traitez-moi comme ami ; je suis de la maison.
Je vis dans l’antichambre, où de mainte partie
Monseigneur reçoit les placets ;
Qu’il est sage et qu’il m’édifie !
Désintéressement, équité, modestie,
Il a tout : c’est plaisir que d’avoir des procès.
Bon droit avec tel juge est bien sûr du succès.
Tu te trompes, l’ami ; ce n’est pas là mon maitre,