Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/185

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trottant par la campagne,
Rencontre une chenille à peine remüant.
L’aide du ciel vous accompagne,
Dit le ver en la saluant :
Si tant est cependant que chenille saluë.
Mais la fourmi ne s’en remuë,
Et d’un air dédaigneux recevant l’amitié,
Pauvre animal que tu me fais pitié !
Dit-elle : entre nous la nature
En te faisant a bien manqué.
Qui voudroit te compter pour une créature ?
Tu n’en es qu’un essai croqué.
Dieu soit loüé, puisqu’à me faire
Nature a voulu mettre un peu plus de façon.
Je vais, je viens d’une jambe legere ;
Je… mais c’est trop jaser pour une ménagere ;
Adieu, l’ami rampant : je cours à la moisson.
L’humble chenille est müete à l’outrage ;
S’enferme dans sa coque, y vaque à son ouvrage ;
Puis au moment qu’elle en devoit sortir,
L’orgueilleuse fourmi par cet endroit repasse ;
Le ver sort papillon. Arrête un peu de grace,
Dit-il à la fourmi ; je voudrois t’avertir
Qu’il ne faut mépriser personne :
Le méprisé prend quelquefois l’essor :
Tel qui rampoit s’éleve et nous étonne.
Me voilà dans les airs, et tu rampes encor.