Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/228

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Vous êtes blanc. Cette bouche grimace,
Dit un autre. Ce nés n’est pas bien à sa place,
Reprend un tiers : je voudrois bien sçavoir
Si vous avez les yeux si petits et si sombres ?
Et puis, en vérité, que servent-là ces ombres ?
Ce n’est point vous enfin ; il faut tout retoucher.
Le peintre en vain s’écrie ; il a beau se fâcher ;
Sur cet arrêt il faut qu’il recommence :
Il travaille, fait mieux, réüssit à son choix,
Et gageroit tout son bien cette fois
Pour la parfaite ressemblance.
Les connoisseurs assemblés de nouveau
Condamnent encor tout l’ouvrage.
On vous allonge le visage ;
On vous creuse la jouë ; on vous ride la peau ;
Vous êtes là laid et sexagenaire ;
Et flaterie à part, vous êtes jeune et beau.
Eh bien, leur dit le peintre, il faut encor refaire ;
Je m’engage à vous satisfaire,
Ou j’y brûlerai mon pinceau.
Les connoisseurs partis, le peintre dit à l’homme,
Vos amis, de leur nom s’il faut que je les nomme,
Ne sont que de francs ignorans ;
Et si vous le voulez, demain je les y prends.
D’un semblable tableau je laisserai la tête,
Vous mettrez la vôtre en son lieu.
Qu’ils reviennent demain ; l’affaire sera prête.
J’y consens, dit notre homme ; à demain donc ; adieu.