Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/238

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Il est quelques puissans que de leurs dons célestes
Les dieux prennent plaisir d’orner :
L’orgueil à ceux-là seuls pourroit se pardonner ;
Mais ceux-là sont les seuls modestes.
C’est un double exemple à donner.
Côte à côte sur une planche,
Deux livres ensemble habitoient.
L’un neuf, en maroquin et bien doré sur tranche ;
L’autre en parchemin vieux que les vers grignotoient.
Le livre neuf, tout fier de sa parure,
S’écrioit : qu’on m’ôte d’ici ;
Mon dieu, qu’il put la moisissure !
Le moyen de durer auprès de ce gueux-ci ?
Voyez la belle contenance
Qu’on me fait faire à côté du vilain ?
Est-il œil qui ne s’en offense ?
Eh ! De grace, compere, un peu moins de dedain,
Lui dit le livre vieux ; chacun a son mérite,
Et peut-être qu’on vous vaut bien.
Si vous me connoissiez à fonds… je vous en quitte,
Dit le livre seigneur. Un moment d’entretien,
Reprend son camarade. Eh non ; je n’entends rien.
Souffrez du moins que je vous conte…
Taisez-vous ; vous me faites honte ;
Holà mons du libraire, holà,