L’ECREVISSE PHILOSOPHE
L’écrévisse, dit-on, a sa façon d’aller ;
Et sa marche est de reculer.
Une écrévisse philosophe,
Qui sans raison n’adoptoit rien,
Et qui dans son espéce eût l’esprit de l’étofe
Dont parmi nous Descartes eût le sien ;
Cette écrévisse donc examina la chose,
La jugea ridicule en soi,
Et n’en pût trouver d’autre cause
Qu’un usage ancien ; mais voilà bien de quoi,
Autoriser une sotise,
Dit-elle, essayons l’autre guise…
Elle alla droit, s’en trouva bien ;
Puis voulant enseigner les autres :
Venez, mes sœurs, je n’ai d’intérêts que les vôtres ;
Écoutez-moi pour votre bien.
Quittons nôtre marche incertaine ;
J’en sçais une qui convient mieux,
Faisons suivre la queuë, et que la tête mene,
Et pour guides prenons nos yeux.
Que la gent écrévisse est bonne
D’aller sans cesse se heurter !
Ne savoir où l’on va ! Dans quels piéges l’on donne,
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