Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/79

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Quand à leurs yeux, maître loup sort d’un bois.
Il fond sur un troupeau, prend un mouton, le croque
Malgré les cris et les abois.
Ô, s’écria le chat, ô l’action injuste !
Pourquoi devore-t-il ce paisible mouton ?
Que ne broutoit-il quelque arbuste ?
Que ne vit-il de gland, le perfide glouton ?
Le renard rencherit contre la barbarie ;
Qu’avoit fait le mouton pour perdre ainsi la vie ?
Et pourquoi le loup ravissant
Ne vivoit-il pas d’industrie,
Sans verser le sang innocent ?
Leur zèle s’échauffoit, quand près d’une chaumine
Arrivent nos scandalizés.
Une poule de bonne mine
Du vieux docteur renard frappe les yeux rusés.
Plus de morale ; il court, vous l’attrape et la mange :
Tandis qu’un rat qui sortoit d’une grange,
Assouvit aussi-tôt la faim
Du chat, qui jusques-là s’étoit crû plus humain.
Non loin de là, demoiselle araignée,
Qui de sa toile vit le coup,
Raisonnoit d’eux, comme ils faisoient du loup :
Une mouche à son tour n’en fut pas épargnée.
Nous voilà bien. Souvent nous condamnons autrui.
Que l’occasion s’offre ; en fait-on moins que lui ?