LE MOCQUEUR
Alte-là, lecteur, et qui vive ?
Es-tu le partisan ou l’envieux du beau ?
Et si par hazard il m’arrive
De t’offrir quelque trait sensé, vif et nouveau,
N’es-tu point résolu d’avance
À le trouver mauvais, et sans autre pourquoi ?
S’il est ainsi, je te dispense
D’aller plus loin : je n’écris pas pour toi.
Va-t’en porter ta censure hautaine
Sur Corneille, Boileau, Racine ou La Fontaine :
Voilà des écrivains dignes de t’exercer.
Pour moi, je n’en vaux pas la peine.
Ce seroit pauvre gain que de me rabaisser.
Je veux un lecteur équitable,
Qui pour tout mépriser, n’aille pas se saisir
De quelque endroit en effet méprisable ;
Qui me blâme à regret, lorsque je suis blâmable ;
Et lorsque je suis bon, le sente avec plaisir.
Vive ce lecteur sociable :
Mais quant à ces lecteurs malins,
Qui des talens d’autrui font leur propre supplice,
Puissent naître pour eux des ouvrages divins,
Dont le mérite les punisse,
Ils n’auroient avec moi que de petits chagrins.
La nature est
Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/82
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée