Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/89

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LES SINGES

Le peuple singe un jour vouloit élire un roi.
Ils prétendoient donner la couronne au mérite ;
C’étoit bien fait. La dépendance irrite,
Quand on n’estime pas ceux qui donnent la loi.
La diete est dans la plaine ; on caracolle, on saute ;
Chacun sur la puissance essaye ainsi son droit ;
Car le sceptre devoit tomber au plus adroit.
Un fruit pendoit au bout d’une branche assez haute ;
Et l’agile sauteur qui sçauroit l’enlever,
Étoit celui qu’au trône on vouloit élever.
Signal donné, le plus hardi s’élance ;
Il ébranle le fruit ; un autre en fait autant ;
L’autre saute à côté, prend l’air pour toute chance,
Et retombe fort mécontent.
Après mainte et mainte secousse,
Prêt à choir où le vent le pousse
Le fruit menaçoit de quitter.
Deux prétendans ont encore à sauter.
Ils s’élancent tous deux ; l’un pesant, l’autre agile ;
Le fruit tombe et vient se planter
Dans la bouche du mal-habile ;
L’adroit n’eut que la queue, il eut beau s’en vanter.
Allons, cria le sénat imbecile ;