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MYSTÉRIEUX
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monde, serait-il possible que tu m’eusses ordonné de nier, un seul instant, les nœuds sacrés qui nous unissent ? Oh ! le doute même est une injure ! L’infâme a menti, c’est lui qui a tout tramé. Louise, je ne puis plus rester ici. Je crains Deschesnaux, je crains ton père. Je veux fuir ce lieu.

— Oh ! madame, n’ayez pas de mauvais soupçons contre mon père. Il est sévère ; il exécute avec rigidité les ordres qu’on lui donne ; mais il n’est pas capable…

En ce moment, Cambrai entra dans la chambre, tenant à la main une coupe et un flacon. Ses manières étaient étranges. Au lieu de son ton bourru habituel, il essayait d’avoir un air bienveillant. Il apportait, dit-il, à Mme Hocquart un cordial précieux pour la remettre de l’émotion qu’elle venait d’éprouver. Sa main et sa voix tremblaient, et son maintien était tellement suspect que Louise, qui l’observait avec étonnement, parut tout à coup se préparer à une action hardie. Elle s’avança et dit d’un ton ferme :

— Mon père, je remplirai la coupe pour ma noble maîtresse.

— Non, mon enfant, répondit vivement Cambrai, ce n’est pas toi qui rendras ce service à madame.

— Pourquoi non, je vous prie, mon père ?

— Pourquoi ? fit-il en hésitant ; parce que… parce que je le veux.

— Donnez-moi ce flacon, mon père, — et elle le lui prit des mains, — donnez ; ce qui peut faire du bien à ma maîtresse, ne saurait me faire du mal. Mon père, à votre santé !…

Cambrai se précipita sur sa fille, lui arracha le flacon, et resta comme hébété en la regardant avec un air de crainte.

— Voilà qui est étrange, mon père. Ne me laisserez-vous ni servir ma maîtresse, ni boire