raissait avoir fait une longue course, aux mains du jeune Gravel.
— Hé ! le père ! cria ce dernier, voici un voyageur qui demande si vous versez du bon vin ?
— Malpeste ! répondit le père Léandre, nous sommes à sept lieues des Trois-Rivières et de Berthier, et si mon vin ou mon eau-de-vie laissait à désirer, les voyageurs s’en iraient tout droit se désaltérer chez l’oncle Lafrenière ou le cousin Désy.
Il faut croire que la soif faisait moins souffrir dans ce temps-là qu’à présent, ou qu’on avait le goût plus délicat, puisque le père Léandre supposait qu’un homme aurait été disposé à faire sept lieues, — et ce n’était pas en chemin de fer, — avant d’étancher sa soif, plutôt que de boire du vin médiocre.
— Est-ce là de la logique des récollets ? dit le voyageur.
— Vous parlez de logique, reprit l’hôte en entrant : écoutez donc ceci :
Quand le cheval est à son râtelier,
Il faut donner du vin au cavalier.
— Et :
Cavalier sans argent
Ne peut payer comptant,
ajouta le voyageur en ricanant.
Le père Léandre se gaussant :
Si tel était le cas,
Je n’en répondrais pas.
Mais son cheval dans l’écurie
M’est une bonne garantie.
— « Amen ! » mon cher hôte, fit le voyageur ; je vois bien que vous en savez plus long que moi en fait de langage poétique. Moi, voyez-vous, je suis plus familier avec les verres qui s’écrivent avec deux « r » qu’avec ceux que font les poètes. Allons ! donnez-moi une bouteille