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LE MANOIR

— Alors fais que je m’en aperçoive en cette occasion. Porte cette lettre à M. Deschesnaux. J’attache la plus grande importance à ce qu’elle lui soit remise le plus promptement possible. Pars de suite, et sers-moi fidèlement, tu t’en trouveras bien.

— Je n’épargnerai ni mes soins ni mon cheval, dit Lavergne en sortant avec précipitation.

Néanmoins, il trouva le temps, avant de monter à cheval, de jeter un coup d’œil sur la missive assez négligemment fermée, et il se dit tout surpris :

— Quel secret ! Moi qui la croyais la femme de Deschesnaux ! Mais avance, galant ; mes éperons et tes flancs vont renouveler connaissance ensemble.

Quand Michel se fut éloigné, l’intendant alla changer de costume à la maison du docteur Alavoine, puis se rendit dans le parterre en arrière du château. Chemin faisant, il songeait à la lettre qu’il venait d’envoyer à Deschesnaux.

— J’ai bien fait, pensait-il, de retarder ma vengeance contre cette malheureuse. Certes, je ne serai pas entravé dans la brillante carrière qui s’offre à moi, par des liens que le ciel doit réprouver ; mais il y a, pour les briser, d’autres moyens que d’attenter aux jours d’une femme. Nous pouvons être séparés par des royaumes. Avec de l’argent, on peut envoyer une personne se promener au loin, et, de plus, la bien faire garder en même temps.

Pendant que la vengeance de l’intendant prenait ainsi à ses yeux un caractère de modération et de générosité, il arriva au parterre. La lune à moitié cachée par des nuages, l’éclairait d’une lumière blafarde. Il s’approcha d’un homme enveloppé dans son manteau, et, reconnaissant DuPlessis, il lui dit :

— Vous vouliez me parler en secret ? me voici.