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MYSTÉRIEUX
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dans une longue dissertation, laquelle finit par lasser la patience de son interlocuteur ennuyé, qui lui fit observer que tout cela n’avait guère de rapport au maréchal qui devait ferrer son cheval. Le bonhomme continua :

— « Festina lente » (hâtez-vous lentement) ; nous y arrivons. Il est bon que vous sachiez qu’il y a quelques années il y avait un homme qui se nommait le docteur Degarde. Quand il apparut dans le pays, le bruit courut qu’il avait été obligé de s’enfuir de France pour éviter les poursuites de la justice, à cause du métier d’empoisonneur qu’il aurait cherché à exercer. Il se serait sauvé d’abord aux Pays-Bas, et de là à la Nouvelle-York, d’où il aurait passé ensuite au Canada. Tout cela ce sont des on-dit. Mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’il guérissait les blessures avec un onguent de sa façon, disait la bonne aventure au moyen de la chiromancie, et convertissait le plomb en argent ; enfin, il pratiquait ce que le vulgaire appelle la magie blanche.

— En un mot, dit DuPlessis, c’était un charlatan. Mais qu’a-t-il de commun avec mon cheval déferré ?

— Avec de la patience vous le saurez. « Patientia » donc ; lequel mot, suivant Tullius Cicéron, signifie : « difficilium rerum diurna perpessio » (l’art de supporter les tribulations journalières). Le dit Degarde, après avoir ébloui le peuple, commença à briller parmi les grands, et il fût parvenu à la renommée, si, d’après un bruit généralement répandu, le diable ne fût venu un jour réclamer son bien et n’eût emporté Degarde, qui évidemment ne s’était pas bien gardé. Le fait est qu’on ne le revit plus. Maintenant, voici sa « medulla », la moelle de l’histoire qui vous concerne ; le docteur Degarde avait un domestique qui lui succéda dans son dangereux métier, et qui avait un talent dû, sans nul doute, au démon. Il fer-