Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/161

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de sa pensée, alliant ainsi par une œuvre sublime la terre au ciel. L’artiste et le poète ne doivent pas séparer l’argile du rayonnement, la terre du ciel, le fini de l’infini.

La poésie n’est pas seulement le parfum des fleurs de la terre, ni la flamme allumée au ciel. Il faut que le parfum habite un calice dessiné et peint par Dieu lui-même, il faut que la flamme du sentiment brûle sur un autel sculpté avec l’art le plus radieux.

L’art est une majestueuse unité. Ce qui a presque toujours stérilisé l’art moderne, c’est que, tour à tour enfant prodigue et vierge mystique, il a dissipé son bien avec les courtisanes dans les orgies de la forme, ou bien il a voilé sa face et a poursuivi l’ombre de la pensée plutôt que la pensée elle-même. Ç’a été l’art vénitien, dont les pompes théâtrales, l’éclat de palette, les ébauches radieuses de pinceau étouffaient le sentiment ; ç’a été aussi l’art du moyen âge, qui a traduit l’histoire de l’âme sans jamais vouloir adorer l’altière