Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/249

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George Sand ne dit qu’un mot à Chopin : « Je viens te chercher. »

Chopin lui demandait depuis quelques jours à s’exiler avec elle à Nohant ; non pas s’exiler, puisque c’était pour lui la terre promise.

À sa vue il se ranima comme s’il respirait encore une bouffée d’air vif. Il voulut rappeler les beaux jours, mais déjà sa voix était éteinte. Elle l’embrassa, bien plutôt comme une mère que comme une amante. Ce fut alors que la comtesse d’Agout apparut. En ouvrant la porte, elle alla en quatre pas vers le lit de Chopin ; elle embrassa George Sand et se pencha sur le moribond : « Je vous attendais toutes les deux, murmura-t-il. Pouvais-je partir sans boire vos larmes. »

Oui, des larmes, car la comtesse pleurait en embrassant le front de Chopin, front déjà glacé où la pensée n’avait plus prise. On entendait encore quelques paroles étouffées : « Nous nous retrouverons là-haut, je vais