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LABRADOR ET ANTICOSTI

— Mais, écrivis-je à M. Comeau, c’est durant l’hiver de 1884-85 que vous avez fait rencontre de votre serpent de mer, tandis que les messieurs Jourdain, des Îlets-Caribou, m’ont parlé d’un serpent qu’ils ont vu il n’y a que quatre ans, à la Pointe-de-Monts. Suivant leur rapport, ce monstre était long d’une centaine de pieds, et de la grosseur d’une tonne. Ce n’est pas le même animal que vous avez vu.

Mon correspondant me répondit ce qui suit, le 22 août suivant :

« Voici l’explication de ce qui paraît être une inexactitude dans les dates. Ce qu’ont vu les frères Jourdain, et que j’ai vu moi-même, pouvait fort bien être le serpent ; mais je n’ai pas voulu en faire mention dans mon rapport, parce que je ne le tiens pas pour assez certain. Il y a quatre ans, en effet, nous avons remarqué un poisson extraordinaire, mais à une si grande distance qu’on n’en pouvait pas distinguer l’espèce ; je crois autant, moi, que nous avions affaire à une baleine ; cela me paraissait trop gros et massif pour un serpent ; dans tous les cas, je n’en tins aucun compte. »

Eh bien, grâce à M. Comeau, la Province de Québec n’a rien à envier aux autres nations, en fait de serpent de mer. On accusera encore les Canadiens-Français d’être toujours en arrière !

Je connais M. Comeau, j’ai confiance en son honorabilité, et je crois à son entière bonne foi, corroborée d’ailleurs par le témoignage d’autres braves gens des Îlets-Caribou. Malgré tout cela, je le répète, jamais la science n’admettra l’existence de ces serpents de mer de cinquante, soixante, quatre-vingts pieds ou plus, tant que l’on ne pourra en faire comparaître un, en personne, dans un cabinet d’étude. Car, voilà le malheur ! On a rencontré tant de fois ces monstres effroyables, et jamais l’on n’a pu en tuer un seul, et le faire voir à un naturaliste. On tue couramment les plus énormes baleines ; il ne saurait être plus difficile de faire passer un serpent de mer de vie à trépas.

Qu’il existe encore bon nombre de petits insectes inconnus à la science, cela est certain ; les explorateurs n’ont pas non plus